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Pour celles et ceux qui l'ignoreraient encore, 50 nuances de Grey - et ses 2 petits frères - est le produit étrange et un peu fou d'une fan attitude hyper connectée. Son auteur, E.L. James, s'est un jour penchée sur son clavier pour rédiger quelques lignes, quelques pages qui deviendront des chapitres et les poster sur la toile. Le point de départ de cette aventure sulfureuse? L'imagination d'une fan de Twilight fantasmant les ébats de Bella et de son tombeur de vampire. Les lectrices en redemandent, les chapitres s'accumulent et ce qui devait arriver arriva : un éditeur en quête d'auteurs bankables proposent à E.L. James un contrat avec plein de chiffres. La suite on la connait : succès de librairie absolument hallucinant, une adaptation au cinéma aussi fructueuse et une explosion d'intervention de pompiers appelé en renfort pour libérer quelque amant prisonnier de menottes récalcitrantes ou autres liens supposés épicer des relations jugées trop calmes.

 

Mais l'auteur de 50 nuances n'est pas la seule à connaitre cette success story à l'américaine! Fin 2013, une certaine Anna Todd, texane sans le sous, poste un chapitre d'une histoire tout droit sortie de son imagination. Fan des One Direction, elle fantasme une liaison torride entre une étudiante en lettres et un bel étalon inspiré de l'un des membres du célèbre groupe. Cette fois aussi, les internautes en redemandent. Et cette fois aussi un éditeur propose un gros chèque pour corriger et publier ce qui deviendra After. Les 3 premiers tomes (pardon, dites "saisons") se sont écoulés à 540.000 exemplaires. Le 4ème vient d'être tiré à 160.000 exemplaires, dont le quart s'est déjà écoulé en 3 jours seulement. Une success story, je vous le disais. 

Un succès qui fait tout de même penser à la folie Harry Potter. En peu de temps, la prolifique (elle aussi écrit des pages et des pages et des pages...) J.K. Rowling était devenue l'auteur de best-sellers incontournable. Impossible de se rendre en librairie sans y trouver en bonne place plusieurs de ses titres. Chômeuse sans le sous, elle avait pourtant commencé dans l'anonymat en racontant des histoires à ses propres enfants. On connait la suite.

Mais aujourd'hui, la formule est sensiblement différente : le succès commence sur le net, grâce aux commentaires d'internautes fidèles. Il faut toujours le flair d'un éditeur prêt à parier sur une charmante inconnue pour gagner beaucoup d'argent mais le point de départ se joue directement avec les lecteurs, les fans. Une façon tout à fait différente d'envisager l'édition puisqu'on ne fait plus le pari d'une publication sur base de la qualité littéraire mais en fonction d'un succès déjà naissant. Une autre manière également d'aborder le métier d'auteur : alors qu'il s'agissait encore il y a peu d'un exercice éminament solitaire et en proie à l'angoisse de la page blanche, l'auteur se retrouve aujourd'hui face à ses lecteurs au moment même où il rédige ses pages. Pire/mieux : les lecteurs l'encouragent et le conseillent au grés de leurs envies et impressions. Que doit-il se passer dans le prochain chapitre? Qu'adviendra-t-il de ce personnage? 

A l'heure où il est grandement question du métier de libraire, souvent mis en danger par les facilités qu'offrent des géants du net tels qu'Amazon, ne serait-ce pas l'ensemble du monde du livre qui est en train de s'interroger et de se repenser? Si le libraire 2.0 est aujourd'hui largement controversée, faut-il se tourner vers ces éditeurs qui ne parient que sur des livres ayant déjà du succès? Avec l'avènement d'internet, des blogs et autres réseaux sociaux, les écrivains ont appris à faire leur propre promotion en s'appuyant sur des moyens souvent gratuits mais efficaces pour toucher un large public. Certains habiles parviennent à établir un véritable dialogue avec leurs lecteurs, sans doute dans le but de les fidéliser et en tout cas pour les informer de leur actualité qu'elle soit ou non chargée. L'arrivée de ces fanfictions, c'est l'ensemble du processus qui est repensé. La relation entre l'auteur et le lecteur tout d'abord. Mais également entre l'éditeur et l'auteur. Traditionnellement, les auteurs en herbe font parvenir leur production à un éditeur et l'écrit est soumis à un comité de lecture qui parie ou non sur la publication, cible un public potentiel, prend le risque d'un flop. Dans le cas d'E.L. James, Anna Todd et les autres, c'est tout le processus de création et d'édition qui est court-circuité. Et les plus perspicaces d'entre vous l'auront remarqué : j'ai beaucoup de mal d'employer le terme "écrivain", ce mot noble qui résonne dans les couloirs de l'Académie et nosu replonge dans les textes de Proust ou Zola, pour désigner ces auteurs de fanfictions...

Tag(s) : #Billets d'humeur
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