La rentrée littéraire fait chaque année beaucoup de bruit. Les éditeurs profitent de ce moment privilégié et particulièrement médiatisé pour sortir l'artilerie lourde et les livres auxquels ils croient le plus. Pourquoi? L'objectif est double.
Tout d'abord, la couverture médiatique. En quelques semaines, près de 600 titres envahiront les tables des libraires. Une telle vague fait grand bruit : les livres plus confidentiels ou les premiers romans profiteront de cet échos. Pour les banckables, l'enjeu est sensiblement différent : il s'agit toujours de profiter de cette vague mais en s'en démarquant. Ainsi, les journalistes relèvent avec curiosité les titres édités à plus de 50.000 exemplaires. C'est la barre symbolique à franchir pour être considéré comme best-seller. Parmis eux, il y aura bien évidemment un classement : qui dominera la rentrée? C'est ce livre-là qu'il faudra absolument avoir lu, dont il faudra parler sous peine d'avoir raté le buzz de la saison. Plus on parle d'eux, plus il y a de chances que les ventes soient bonnes.
Et cette année encore, c'est Amélie Nothomb qui surplombe le classement. Avec 200.000 exemplaires imprimés pour "Le Crime du comte Neville" (Albin Michel), elle dépasse largement Delphine de Vigan et ses 100.000 exemplaires pour "D'après une histoire vraie" (JC Lattès). Mathias Enard et Carole Martinez, respectivement pour "Boussole" (Actes Sud) et "La Terre qui penche" (Gallimard), peuvent quant à eux afficher 60.000 exemplaires. Loin derrière, Christine Angot fait beaucoup parler d'elle avec "Un amour impossible" (Flammarion) publié à ... 30.000 exemplaires. Nettement inférieur aux standards sur lesquels on se penche habituellement et pourtant, le net est innondé. (mise à jour : face à l'accueil favorable, le livre a été réimprimé à 20.000 exemplaires).
La deuxième raison, c'est la course aux prix littéraires. L'automne voit en effet fleurir nombre de prix littéraires, chaque année plus diversifiés et présentant plus ou moins d'intérêt. Mais le Graal, c'est le Goncourt. Pour commencer, c'est le plus ancien (1903). Mais, soyons pragmatique, c'est aussi celui qui fait vendre le plus. Chaque année, le roman qui pourra arborer le prestigieux ruban rouge affichant fièrement "Prix Goncourt" se vendra à environ 400.000 exemplaires. On dépasse le stade de best-seller. Derrière lui, le Renaudot attire aussi les foules avec 200.000 ventes, suivi de près par le Femina qui culmine à 150.000 ou 200.000 exemplaires vendus. Le Goncourt des lycéens, s'il rencontre un succès moins franc que son grand frère, n'a pas à rougir puisqu'il s'acoule chaque année à environ 130.000 exemplaires. Viennent alors l'Interallié avec 80.000 exemplaires et le Médicis et ses 55.000 ventes. Outre la reconnaissance de la profession et le prestige, il y a donc beaucoup d'argent à gagner puisque, outre les ventes elles-mêmes, il ne faut pas oublier que les lauréats reçoivent un réel prix, la plupart du temps en (dizaines de) milliers d'euros. L'intérêt est donc immédiat pour l'auteur. L'éditeur n'est cependant pas en reste : pouvoir afficher une liste d'auteurs auxquels on a cru et qui ont ainsi été récompensés participe au prestige de la maison d'édition.
Cette saison, c'est pas moins de 589 titres qui seront publiés, contre 607 en 2014. Parmis eux, notons 393 romans français, dont 68 premiers romans, et 196 romans étrangers.