Sam est comme beaucoup d'autres adolescents : en dispute avec le système, le monde, l'école et les livres. Un jour, il tombe sur un roman d'Amélie Nothomb, Hygiène de l'assassin, son premier, qui sera LE premier. Dès cet instant, c'est le choc et la romancière prend une place inattendue dans la vie de Sam. Car, dit-il, il est né avec Amélie Nothomb, il "a été fait" par elle. La révélétation est si forte qu'il lui prend l'envie d'écrire à ce génie qui l'a ouvert au monde impalpable et pourtant si fort de la littérature. Comme pour de nombreux autres lecteurs, une relation épistolaire s'installe alors avec la romancière. Il lui écrit ses impressions, ses pensées secrètes; Elle lui répond et l'encourage dans ses démarches. Elle ne le sait pas mais ces quelques lignes posées sur le papier et lues, relues cent fois vont donner à Sam l'énergie dont il avait besoin pour sortir de sa vie qui lui va si mal, se trouver et découvrir sa voie.
C'est comme s'il avait découvert un "sixième sens", la littérature l'emmène vers des horizons insoupçonnés. Très proche de sa tante, il lui parle de ses lectures, de sa relation particulière avec Amélie, de ses envies. Il se lance à la découverte du net et prend part aux débats sur la Toile. Annick Stevenson en profite pour nous faire (re)découvrir l'univers des blogs et forums dédiés à la romancière belge - car ils sont nombreux. Les citations, issues de vrais sites, nous permettent de mieux appréhender les impressions et ressentis des lecteurs, ceux qui contituent ce que Stevenson appelle la "génération Nothomb". Au détour des réflexions de Sam, elle nous replonge dans les romans nothombiens en en extrayant des passages habillement choisis. Quelques belles pages sur la littérature ou sur la relation que le critique entretient avec les livres ou le lecteur avec son libraire nous poussent à réfléchir sur le rôle que la littérature tient dans nos vies.
Plus généralement, c'est le rapport très particulier qu'Amélie Nothomb entretient avec ses lecteurs qui est ici mis à l'honneur. Parfois étouffante, cette correspondance est pourtant essentielle pour la romancière. Mais, inexplicable, il y a ce résultat salvateur pour certain, cette bouffée d'oxygène, ce coup de pouce nécessaire pour aller au-delà de soi, pour vaincre ses peurs et oser aller de l'avant. Car, qu'elle le veuille ou non et sans doute sans qu'elle en soit vraiment consciente, Amélie Nothomb sert de moteur à nombre de lecteurs en déroute. Par l'intermédiaire de ses courriers, elle leur permet d'exprimer ce qu'ils ont enfoui au plus profond d'eux-même et d'avancer.
Si l'idée est belle et intéressante, je me demande si Annick Stevenson n'aurait pas pu l'exploiter de manière plus éloquente. La première moitié du livre m'a semblée longuette et le sens réel de cette histoire ne devient clair que vers les quelques dernières pages. De plus, je m'interroge sur le public que touchera ce livre : en-dehors de cette fameuse "génération Nothomb", bien au courant des pratiques des forums et de ce qui s'y dit ainsi que des courriers d'Amélie Nothomb, des "étrangers" s'y intéresseront-ils vraiment? Si oui, ces réflexions peut-être un peu sommaires pour un non-initié suffiront-elles pour lui mettre le pied à l'étrier? Un livre intéressant donc mais qui, à mon sens, aurait pu être mieux exploité.